Gavé du charbon fruité des livres, j'ai cherché à dévoiler le masque.

Rainer Maria Rilke m'a dit que malgré tout l'ange se taraude un passage,

mais depuis, Auschwitz s'est effondré sur son doux visage.

Depuis, je ne reconnais plus qu'un ange possible,

l'ange femelle, mésange au cœur marin,

vivant cyprès, flagellé de colombes.

Sa tête, tournesol sauvage perdu dans les blés.

Son cœur, coquelicot vif étoilé dans le seigle penché.

Ses yeux, feux follets dans l'ivresse des alcôves.

Son corps, table recouverte, sur la nappe blanche brodée de nacre, une cruche,

des quignons de soleil et du miel,

le miel prophétique des sexes rassasiés au rabot des baisers.

Mensonge! Dites-vous? Il y a des mensonges si vrais que je préfère y croire.

Mensonge! Alors regarde! Ces hommes qui ne savent plus où vivre pour mourir,

alors ils marchent, du moins ils essaient, le moins courbés possible.

Ils ne savent plus si c'est pour ne pas avoir l'air de mendier

ou si c'est pour ne pas tomber.

Si la terre est ronde c'est sûrement pour eux

et si la nuit existe c'est pour qu'ils puissent se cacher pour pleurer.

Mais ne me dites pas que si la mort existe c'est pour les consoler !

Non, il faut avoir vécu sa vie,  la sienne, à la mesure de son être pour pouvoir mourir.

Mensonges! Le temple est vide et les oracles mentent,

au théâtre de l'être l'homme aurait-il abandonné son rôle?

En tout cas l'illusion déguise encore un peu notre nudité

et farde notre déchéance, mais bientôt sur la rive, nous suffoquerons

et travestis de honte nous implorerons le pardon de l'absent,

de l'éternel absent.



Pages 10

1 2 3 4 5 6 7 8 9 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25