Les Immortels me disent

- Écoutes le sens! Le violon se brise, crisse, broie du sable, braille des cendres pour ne retenir que l'aigu du silence.

- Vois le sens! Dans le regard que tu n'as pas su retenir, dans la morsure de larmes sur le visage de l'enfant mort.

- Il n'y a plus de villes, plus de lieux, plus de temples, plus de sanctuaires, plus d'églises, ni glaces, ni steppes, ni déserts, ni de hauts plateaux d'herbages rares et propices à l'ascèse. Il y a trop de choses insupportables à entendre et plus rien à mentir.

- Il est toujours coupable dans les bras d'une femme, au carillon des transitions et de l'immuable servitude, s'il devient un homme il reste ce gamin, qui va sur le chemin ramasser des brindilles et des étoiles qui brillent pour allumer le feu qui dort au fond de ses yeux.

- Il n'est plus question de lutter mais de résister. Non pas de disperser la lumière mais de la durcir. Ce qui importe c'est la durée de l'œuvre non sa fulgurance. Et la souvenance des morts n'est pas le signe mais tout le sens.

Le sens, le parfum chaud des étoiles et des étables ouvertes au soleil strident.

Le sens, quand les paupières closes à l'ascension du plaisir bleuissent et se fissurent, quand des plumes criardes s'insinuent jusqu'à l'iris du cœur.

Le sens, les chênes émiettent leurs larmes brunes et dorées, le vent si lâche désespère la rivière en débâcle, là bas l'hiver rameute ses chiens,

regarde la pourpre du crépuscule, les lucioles au creux des souches qui fleurissent la nuit.

Le sens, les corps brassés, caressés et bercés, rien n'éteint la brillance des yeux enlacés, même la vieille mort en a le regard tatoué.

Le sens, enfin la terre toute en toi.




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