Ils me disent

- Sauras-tu un jour traverser le fleuve qui te sépare de la rose et du bleuet? Fleuve sans eau, mais que de noyés sur ses berges!

- Comment sans le désir humiliant d'être adoré, se relever de son cadavre et dans l'éblouissement du matin, recomposer la chimie de sa primordiale aurore?

- Des hameaux de l'œil aux mines où dorment nos fantômes, sans confusion, ému, comme pénétrant un frais patio, en toute conscience, franchir l'être. Et ne plus faire qu'un avec la suave ruelle renversée de jasmin, quand les murs frémissent d'un sang houleux et qu'une écume mauve jaillit des bougainvillées et des géraniums décrochés du ciel en chute molle dans un silence éclatant de rose tyrien.

- O mourir, mourir enfin, comme le vent se lève. Sur la brise partir et dans un bruissement d'aile rejoindre le chant des Tsiganes aux violons lacérés.

- Il faut se déshabituer à édifier des maisons nourries d'horloges. Hors les enceintes, vivre serait-il impudique?

- Peut être qu'au bout du voyage la forêt sera fraîche à l'accouplement de nos pains et que le poète, détenteur du seul couteau, partagera la braise et l'eau et dévoilera des choses à entendre aux étrangers cuivrés par la poussière de l'errance.

- Viennent du schiste et des épices les filles annonciatrices d'entrailles nouvelles, ainsi que les garçons aux membres d'ivoire, aux croupes lisses et aux armes sans péril. Viennent les femmes silencieuses aux ventres éponges qui retiennent les échelles fondatrices de l'âme. Viennent avec les oies sauvages les farines nouvelles par les sauterelles épargnées. Viennent les filles d'Israël à l'ombre des bivouacs, la lunaison des sources d'eaux vives en bas des collines aux mamelles fleuries. Vienne l'être en pèlerinage vers les hautes terres d'un saisissement nouveau. Vienne l'éternité en robe de sable, immortelle au fléau des semences.




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