Qui dites-vous que je suis?

Névé, bocage, houille, vigie.

Névé, la foudre y dort ensevelie,

en bas un cyprès se froisse, s'étire,

ils disent que c'est la liberté :

silhouette en sanglot, rongée de lézardes, suintante de rouille

qu'un soleil vorace fait chanter parmi les stèles en saignées de prières.

Bocage, plus d'osier, plus de nid.

La ligne droite prime et le regard s'ennuie.

L'esprit aussi se meurt de famine.

Je me souviens du suc acide des branches de mûriers

comme des premiers mots en héritage de la tribu,

par la nourrice offerte au seuil vif de l'être, de l'âtre.

Femme taraudée, comblant ma tourbe de mots dragées,

faisant de la mémoire, verger empierré,

un océan de quartz et d'arbres chandeliers,

qui me font, malgré les grandes orgues de la barbarie, jouir comme blé.

Houille,

la souffrance des pantins sans ficelles tourbillonne aux spasmes des miroirs,

pendant que des bouddhas, un oeuf dans chaque oeil,

se gavent de la lumière d'un poulpe mystique,

et que le petit, le flou, le si peu, embué de larmes,

regarde à travers son bocal, les étoiles.

Vigie,

combien de fois as-tu foulé ta tête qui roule devant toi ?

De ta mémoire, vide les valises! Pars!

Chevauche ton enclume! La douleur est haute, il te faut la gravir,

la souffrance la porter, toi même porté sur le dos de tes cadavres.

L'enfer serait plus sûr, tu le surpasseras en horreur, tu es sans limites.




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