|
LEPOWEB
Le poète Pourquoi doit-il y avoir amour plutôt que rien ? Se peut-il que je ne sois pas sans lautre moi, je veux dire sans ma part inconnue, celle que tu représentes ? . Être seul, cest cela, être sans cette autre partie de soi-même, cette partie que lon peut reconnaître dans lautre. Sil y a un vase, cest pour y mettre une fleur. Si tu as entre les cuisses une poche humide, cest bien pour y mettre quelque chose. Quelque chose que tu puisses garder, comme on garde dans sa poche des clés et de largent, pour rentrer chez soi et pour acheter de quoi se nourrir. Et ce quelque chose ressemble à une clé et à de la nourriture. Cest une clé de chair qui ouvre la porte de plaisir et nourrit lamour de sa sève. Point de clé sans serrure et donc, dans mon cas, point dhomme sans femme ; je veux dire que je ne peux être entièrement un homme sans me confondre dans la femme. Ainsi parlait le poète. Il parlait, Maria écoutait, entendait les mots des lèvres à ses lèvres. Les mots vibraient de la bouche à sa peau, du corps à son corps, et son souffle happait les mots, sen abreuvait. Des mots aux lèvres il ny a quun souffle à franchir, quun geste à esquisser, mais elle préférait se laisser encore envahir par le son, la musique des mots, voir les lèvres, deviner la langue, imaginer la bouche sur sa bouche. Lamour est un miroir qui ne peut refléter quun seul visage, celui fusionné de deux êtres, mâle et femelle. "Dieu créa lhomme à son image ; cest à son image quil le créa ; mâle et femelle. Puis, ce nest pas bon que lhomme soit isolé ; je lui ferai une aide semblable à lui". Donc malgré sa perfection initiale, lhomme a besoin de son - de sa semblable, de quelque chose qui lui ressemble mais qui nest pas lui, une femme. Bien sûr dans la bible Dieu est au masculin, cest un éjaculateur qui pénètre les esprits, un écrivain, un artiste, il ébauche, corrige et parfait sa création. Cest la bible mais comme dans toute grande uvre, il y a beaucoup de vrai. Tout être ne peut être sans lautre, et être véritablement sans fusionner. On ne peut être un sans être deux. Lamour est donc le point de fusion de deux images incomplètes, cest par le coït que se soudent les alliages et que prend forme le corps unique de lamour. Ainsi parlait, encore le poète, Maria écoutait, mais commençait à ne plus entendre, où plutôt elle entendait autre chose que le son de la voix. Elle percevait en elle ce vibrato du corps qui en écho venait la caresser, comme une berceuse caresse, captive, hypnotise lesprit et le corps avant de lendormir. Mais présentement il nétait pas question de sommeil, mais déveil, déveil des sens, comme la mer et la vague éveille lenvie de nager, elle ressentait lentement monter en elle lenvie de se laisser saisir, envelopper par la parole. Elle nécoutait plus elle senivrait, quimportent les mots, se disait-elle, ce sont les ondes émises par celui qui parle qui sont la vérité, la réalité de ses paroles. Voilà la vraie nature des uvres dart, les ondes propices à lamour, tout le reste nest que bavardage. Une parole, une musique, un tableau, une sculpture, un poème, qui ninciterait pas à lamour, qui néveillerait pas au désir, qui ninciterait pas à lunion physique et spirituelle, ne serait pas de lart mais de lillusion, du factice.
Page 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 13 14 15 16 17 18 19 20
|